Les Mortelles leçons d'Adèle

@Mr Tan/Diane Le Feyer/Miss Prickly

Mortelle Adèle est la propriété de Mr Tan, Diane Le Feyer et Miss Prickly. Je remercie toute l'équipe de Mortelle Adèle pour m'avoir autorisé à utiliser les images pour cet article.

Porte d’entrée vers la lecture pour beaucoup d’enfants, une certaine petite rouquine, toute mignonne, totalement effrontée, a débarqué dans ma famille. Depuis qu’elle l’a rencontrée, ma fille ne la lâche plus. Elle lit dans son lit le soir. Vous vous souvenez quand je vous disais que pour le sommeil c’est la guerre ? Eh bien maintenant, c’est elle qui couche ma fille. L’histoire du soir c’est elle. Elle ? Qui elle ? Adèle, bien sûr ! C’est qui Adèle ? Je vais vous en parler, elle est Mortelle, Adèle !

Créée par Mr Tan, Diane Le Feyer et Miss Prickly, Adèle est l’archétype de la « sale gosse attachiante ». Une enfant intelligente et qui, dans son analyse cinglante de la société moderne, n’est pas sans rappeler une certaine Mafalda, qui a bercé mon enfance et m’a aidé à développer mon esprit critique. Les sujets sont abordés avec un humour décalé et non sans une bonne dose de maestria, je dois bien le dire. L’idée ici n’est pas de faire une critique de l’œuvre en elle-même, d’autres le feront bien mieux que moi. J’ai dévoré les sept premiers tomes pour les besoins de cet article, au départ en tout cas, et je dois vous avouer que j’ai adoré. Adèle est attachante, pleine d’un humour cinglant qui fait mouche à chaque fois et les personnages qui gravitent autour nous enchantent par leurs relations avec elle et par les stéréotypes qu’ils représentent et qu’elle casse systématiquement. Et c’est là l’une des premières évidences qui m’a sauté aux yeux. Loin d’être un cliché de la féministe revendicative et lourdingue, cette petite fille est l’idéal féministe par excellence. On est loin de la sempiternelle rengaine de la lutte contre le patriarcat. Adèle est subtile et elle distille un discours féministe beaucoup plus pesé, beaucoup plus savant et avec une petite touche d’ironie totalement bienvenue. Cette planche où elle explique à sa mère que les femmes se sont battues pendant des années pour ne pas avoir à faire les tâches ménagères toutes seules, est l’exemple type du savoir-faire d’Adèle. Ce n’est pas culpabilisant, ce n’est pas moralisateur, c’est simplement juste. Elle posa ça là, comme ça, et faîtes-en ce que vous voulez. Pourtant, tout au long de ses aventures et des relations plutôt tordues avec le garçon qui est amoureux d’elle, on comprend son propos et, plutôt que nous l’envoyer de front sans préparation, elle nous le fait comprendre. Le message arrive doucement, il prend son temps mais il est bien présent et on le comprend. Sur tout un tas de sujets, Adèle nous fait comprendre les choses sans avoir à nous les rabâcher constamment, sans avoir à nous les imposer. Elle nous force à voir les choses à sa façon sans même qu’on s’y oppose. On n’a pas envie de s’y opposer d’ailleurs. Les messages sont tellement pensés, tellement bien proposés qu’on n’a pas envie de les détourner ou même de ne pas les comprendre.

Je le disais, je n’ai lu (pour le moment) que les sept premiers tomes, mais un large éventail de sujets est balayé et passé au crible de l’esprit critique aiguisé de la petite rouquine malicieuse. Comme Mafalda en son temps, Adèle propose à nos enfants un regard à la fois ouvert et critique sur les sujets de société actuels. Si les thèmes peuvent paraître moins profonds que son illustre aînée (qui parlait politique, économie et droits de l’Homme entre autres), ils sont simplement le reflet de ce qui monopolise notre société. Ecologie, nouvelles technologies, réseaux sociaux, relations familiales, tout est prétexte à être critiqué, malmené et torturé par Adèle. Il est clair qu’elle apporte à nos enfants une analyse de la société qui les entoure à la fois bienveillante et brute. Elle n’y va pas par quatre chemins et n’hésite pas à décrier ce qui est tenu pour acquis par les anciennes générations. Elle s’oppose à ses parents quand il le faut, elle casse les codes de la petite fille princesse qui aime les licornes (elle se crée même un compagnon zombie). Une façon à la fois douce et élégante de faire comprendre à ma fille que le monde n’est pas fait que de paillettes et de fées. On y trouve aussi des monstres et du noir. A mesure que le réalisme d’Adèle sur le monde qui l’entoure m’a frappé, j’ai commencé à réfléchir à notre rapport à l’enfance et à l’innocence.

Certes, nos enfants ont bien le temps d’apprendre les réalités de la vie. Certes, on aimerait les protéger de la violence et de la noirceur qui peuvent exister dans le monde. Mais est-ce réellement une bonne chose ? Je me suis alors souvenu que moi-même, arrivé à l’âge adulte, je me suis rendu compte que la vie est violente et qu’elle peut parfois faire mal. C’est une réalité à laquelle je n’étais pas préparé. Adèle a cette volonté de faire comprendre à nos enfants que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir, et que l’aborder avec humour et malice permet de trouver des solutions pour contourner ce qui est trop dur. Il y a une maturité enfantine dans les aventures d’Adèle qui tient presque du génie. Elle reste une enfant, avec des réactions d’enfant mais… Depuis qu’elle lit Mortelle Adèle, ma fille a développé un humour et un esprit critique que je ne lui connaissais pas. Elle reste une enfant et certaines de ses analyses restent donc relativement binaires, mais elle réfléchit, elle pose des questions, elle essaie de comprendre.

Bref, vous l’aurez compris, Adèle est une excellente assistante éducative pour nos enfants. Elle aborde avec eux des sujets que nous n’oserions pas aborder en raison de leur âge ou, ne cachons pas les choses, de notre façon d’aborder leur compréhension du monde. Si vous hésitiez encore à faire découvrir cette petite BD à vos enfants, allez-y en toute confiance. C’est la meilleure porte d’entrée pour la lecture. Ma fille emmène Adèle partout avec elle. Elle les lit, les relit et n’hésite pas à échanger avec moi, à me montrer les passages qu’elle a particulièrement aimés. Et, dans l’Elhys World, on aime l’échange. Inscrivez-vous, avec vos enfants si vous le souhaitez, commentez, partagez, on peut en parler. Après tout, Adèle mérite qu’on parle d’elle. Nos enfants aussi.

@Mr Tan/Diane Le Feyer/Miss Prickly